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Le château de Leucate a été construit à partir du XIe siècle sur une presqu’île entre la mer et l’étang, à la frontière de la Franceet de la monarchie catalano-aragonaise 1.
Il a été le théâtre de nombreux événements guerriers, notamment le siège de 1590, où Françoise de Cezelli a défendu la forteresse contre les Espagnols alliés à la Ligue catholique, après que son mari, le gouverneur, a été capturé et exécuté.
Le château a subi plusieurs transformations architecturales au fil des siècles, passant d’un donjon en bois à une enceinte bastionnée, inspirée par les architectes italiens de la Renaissance. Il fut le premier prototype réalisé en Europe sur ce principe.
Le château a perdu son intérêt stratégique après la signature du traité des Pyrénées en 1659, qui fixa la frontière entre la France et l’Espagne plus au sud. Il fut détruit sur ordre de Louis XIV en 1665.
Aujourd’hui, il ne reste que des vestiges du château, qui offrent une belle vue sur l’étang et la Méditerranée.
L’héroïne
Françoise de Cezelli est la fille du président de la chambre des comptes de Montpellier, Jean de Cezelli, et la nièce du gouverneur de Leucate
Le drame
En 1589, l’époque où les affrontements entre les Ultras catholiques et le roi Henri IV font rage. La Ligue, soutenue par les Espagnols, tente de s’emparer de la forteresse de Leucate, véritable rempart qui protège la frontière sud du royaume de France. C’est dans ce contexte que Jean de Boursiez de Barri, gouverneur de Leucate, se précipite vers le commandant de la Province du Languedoc pour le mettre en garde.
Conscient du péril qui guette, Jean de Boursiez de Barri demande à sa vaillante épouse, Françoise de Cezelli, de s’enfermer dans la forteresse et de la défendre à tout prix. La flamme qui brûle dans le cœur de Françoise ravive le courage des soldats qui s’apprêtent à affronter l’ennemi. Cependant, le destin s’assombrit lorsque Jean de Boursiez de Barri tombe aux mains des Ligueurs commandés par le duc de Joyeuse.
Remplis de fureur face à la résistance farouche de Leucate, les assaillants proposent à Françoise un marché : la libération de son époux contre la reddition de la ville. Mais Françoise, animée d’une loyauté indéfectible envers son devoir, rejette avec force cette odieuse proposition. « La ville est au roi et mon honneur à Dieu. Je dois les conserver jusqu’au dernier soupir… ». Les Ligueurs, dans leur rage, exécutent son mari, Jean Boursier en août 1589, et Joyeuse fait déposer son corps à proximité du fort de Leucate. Mais, au bout de trois semaines, de guerre lasse, les assaillants lèvent le siège.
Résistance et reconnaissance royale.
Dès lors, Françoise de Cézelly commande la place au nom d’Henri, son fils mineur, jusqu’à ce que celui-ci soit en âge de la remplacer en 1610. En témoignage de sa gratitude, Henri IV attribue à Françoise de Cézelly une pension de 1 000 livres. Il aurait même dit « qu’après tout, il estoit de la gloire de la France que l’on sceust que les dames y valoient des capitaines ».
Une femme à la tête d’une place forte militaire, une situation sans précédent.
Reconnaissance populaire
Au fil du temps, la population de Leucate voue un respect profond et une admiration sans bornes envers Françoise, bien qu’elle ne puisse pas être honorée à sa juste valeur. Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle, lorsque l’industrie viticole apporte une certaine prospérité à la région, que la ville organise une souscription pour honorer leur héroïne afin d’ériger une statue monumentale en l’honneur de son héroïne. La statue est exécutée en 1899 par le sculpteur toulousain Paul Ducuing
Cette imposante sculpture, haute de 3 mètres et s’élevant à 6 mètres avec son socle, représente Françoise de Cezelli en armure, brandissant fièrement un drapeau déchiré de sa main droite, tandis que de sa main gauche elle serre fermement les clefs de la ville, symbole de la préservation obtenue grâce à son sacrifice. Sur le socle : « C’est le temps désespéré où pour bien faire, il faut perdre la vie. ». L’inauguration solennelle de ce monument a lieu en 1899 et suscite une fierté indescriptible parmi les habitants de Leucate.
Les clés restent à Leucate
Cependant, en mai 1942, l’occupant allemand impose au gouvernement de Vichy de récupérer les statues en bronze pour leur profit. Des ouvriers sont alors envoyés pour démanteler la statue de Françoise de son piédestal maladroite, la statue bascule et se brise, notamment la main gauche de Françoise, qui demeure à jamais en suspens. Un Leucatois la récupéra aussitôt et la remis à Léo Teisseire, le secrétaire de mairie de l’époque, qui faisait des photos de ce triste évènement. Ce sauvetage providentiel évita à cette pièce de finir à la fonderie. Le symbole était fort : une fois encore, Cézelly n’avait pas remis les clefs de la ville à l’ennemi. Sa légende se renforçait ! Depuis lors, cette main de Cézelly est fièrement exposée à la mairie de Leucate.
Le socle de la statue est resté vide de 1942 à 1975, année où a été inaugurée cette nouvelle statue, version plus moderne de l’ancienne Cézelly en résine. En 2007, la réplique exacte de la statue d’origine a retrouvé son socle sur place du village à l’initiative de la municipalité et celle en résine de Georges Guiraud a été réinstallée ici au pied du château le 20 septembre 2014
Notes et références
1 La monarchie catalano-aragonaise est depuis l’union du royaume d’Aragon au comté de Barcelone et autres comtés catalans en 1137, une « monarchie composée », à laquelle ont été agrégés par conquête ou par héritage plusieurs territoires de catégorie diverses (Valence, Majorque, Naples, Sardaigne, etc.).
Joan Peytaví Deixona