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ToggleVous allez quitter L’Hospitalet, confié en 1003 aux hospitaliers pour le secours des voyageurs sous les bons hospices de Sainte Suzanne que vous n’aurez pas manquée. Nous vous proposons de rejoindre le col de Porté-Puymorens ou Bertrand d’Enveitg n’a jamais failli arriver, pris qu’il était dans une tempête de neige. En suivant le GR 107, sentier que le GPS ou la carte vous ont indiqué vous franchirez à pied ce haut lieu de passage millénaire. Parfois dangereux à cause des congères et du vent il lui arrive d’être fermé à la circulation. Il y a eu longtemps un hôtel, un refuge pour les voyageurs en difficulté. Parmi les derniers, des automobilistes en panne et des camionneurs dont le moteur lâchait dans la rude montée.
On voit dans le secteur des vaches ou des chevaux à la belle saison. Les pistes de ski ne sont pas loin. Les anciennes mines non plus. Il se peut que vous ayez la chance d’apercevoir une biche, des isards ou quelques mouflons. Un tunnel routier a été creusé sous vos pieds pour faciliter à ce niveau la circulation entre l’Espagne, l’Andorre, Foix, Toulouse et l’Aquitaine Vous rejoindrez Porté-Puymorens toujours par le GR 107, passerez El Castell. C’est un vieux château ruiné, la Tour Cerdane, qui contrôlait le passage pour le compte du seigneur local, du roi de Majorque ou du roi d’Aragon suivant les époques. Vous remonterez le sentier des gorges de la Fou et arriverez alors bien vite au camping, terme de votre étape.
La carte et le dénivelé
Niveau : Moyen
Distance : 10,6 km
Durée : 5 heures
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Le parcours en vidéo
Note d'étape
Vous êtes à la première étape du chemin qui vous fera parcourir des espaces situés sur (ou à proximité) de l’ancienne frontière du Royaume d’Aragon et du Royaume de France, celle du Traité de Corbeil de 1258 négocié par des religieux, signé par Louis IX ( Saint Louis) dans le prieuré hospitalier de Saint Jean en l’Isle lez Corbeil proche de Paris, et par le roi d’Aragon, Jacques Ier (Jacques le Conquérant) à Barcelone, ville qui donne son autre nom au traité.
Cette frontière s’est maintenue, presque en l’état de 1258 à 1659, date du traité des Pyrénées. Elle a été fixée par l’équilibre des forces militaires et des projections des imaginaires, moteurs et résultants de la croisade voulue par le Pape Innocent III, engagée et finalement gagnée, contre les albigeois, cathares ou bons chrétiens qui ont disparu, emportés dans la répression de l’inquisition et de ses bûchers. Les oppositions du Roi d’Aragon, du Comte de Foix et du Comte de Toulouse coalisés, pourtant tous trois catholiques affichés, ont échoué, comme celles de seigneurs locaux qui avaient pris fait et cause pour les bonshommes (que l’inquisition nommera parfaits), qui ont défendu par les armes leur autonomie, leur honneur, leur droit, une violation de leurs domaines. Paroles de Pape, menace et pouvoir du feu, force de l’épée, les règles du jeu avaient changé depuis la réforme grégorienne. Les biens des seigneurs faydits refusant de s’incliner aux injonctions papales, ont été, en tout ou partie confisqués, leurs vies menacées, leurs corps, parfois leurs dépouilles déterrées des années après, brûlés. Les papes qui ont porté la réforme grégorienne voulaient s’imposer désormais comme guides de tous les chrétiens, fussent-ils empereurs ou rois, tournant le dos à la coutume, allant jusqu’à imposer à l’empereur l’humiliation de Canossa. Les légats des papes ont guidé les bras armés à Béziers, Minerve, soutenu les inquisitions du verbe de Dominique de Guzman, bientôt la torture et la question. Cette volonté du Souverain Pontife, donnant le permis de tuer au nom de la vraie foi, de spolier, allait conduire à la disparition des «bons chrétiens» condamnés comme hérétiques partout, comme dans cette France de langue d’oc qui ne se reconnaissait alors qu’au travers de pouvoirs locaux, avec leurs excès, les débordements des guerres seigneuriales ou privées. La trêve de Dieu de Toulouges de 1027, celles qui l’ont suivie, les paix de Dieu qui l’ont précédée aux alentours de l’an 1000 ont essayé de limiter ces exactions, ces atteintes aux personnes et aux biens, de sacraliser l’église. Ces mouvements ont donné finalement plus de puissance et de légitimité aux évêques, aux papes, préparant les conditions favorables pour lancer une première croisade pour libérer le tombeau du Christ en 1095 quand des Turcs islamisés interdiront l’accès de Jérusalem aux chrétiens. Une seconde puis d’autres croisades encore ont canalisé les forces prédatrices et potentiellement autodestructrices de l’occident vers un objectif extérieur, ceux désignés comme les infidèles. Des bannis, des pêcheurs repentants comme Olivier de Terme sont partis faire pénitence par le glaive au Levant. D’autres attirés aussi par la rapine s’enrôleront en masse pour « purifier » de vastes et riches territoires où se développait une hérésie insupportable pour le successeur de Saint Pierre, ceux du Languedoc. Ils rejoindront la péninsule ibérique toujours islamisée pour s’engager dans ce que l’histoire a retenu sous le nom de reconquête. Ils pourront le cas se présentant combattre un roi infidèle excommunié, anathématisé, qui refusait de se démettre de la tête d’un état dont le pape était de jure le souverain, le Roi d’Aragon, en 1285.
Des rois ont suivi, profité, se sont mis au service du mouvement initié par l’Église. Louis VIII s’est engagé dans la croisade contre les albigeois. Blanche de Castille a poursuivi et Louis IX a repris la main sur des territoires où l’autorité des rois de France, depuis des siècles n’était que nominale. Jacques Ier, son pouvoir enfin affirmé, a dirigé sa pression guerrière vers le sud, Majorque,Valence, Murcie, aidé par les templiers et d’autres ordres combattants.
La pression des évêques et du pape de Rome par des menaces d’excommunication, les réformes de l’église désormais reprise en main ont préparé le terrain à l’emprise sur les âmes et sur les biens. Elles allaient contribuer à faire disparaître à la même époque, un autre christianisme, le christianisme celtique populaire et érudit auquel avait pu faire appel Charlemagne. Ce ne sera pas notre propos ici. Vous aurez d’autres occasions pour vous intéresser aux heurs et malheurs du christianisme des îles britanniques et de l’Armorique devenue Bretagne en fin de parcours avec un Seigneur de Périllos, visiteur du purgatoire de Saint Patrick pour le repos de l’âme du roi d’Aragon Jean 1er, mort sans confession en 1396,, si vous le souhaitez. Plus tard vous pourrez vous intéresser aux projets missionnaires explicités dans le Blanquerna de Raymond Lulle à Montpellier en 1283. Le livre sur l’Ordre de la Chevalerie et ses autres écrits en latin, arabe et catalan naissant, sont inclus dans un projet de croisade généralisée du verbe et de l’épée, tous ordres militaires unis derrière le Rex Bellator, le roi guerrier, comme derrière le missionnaire du verbe, après la chute de Saint Jean d’Acre en 1291.
Deux siècles plus tard le pouvoir des Rois Catholiques, de l’Église de Rome et de l’Inquisition seront affirmés partout dans la péninsule et ce sera le départ des juifs et des musulmans poursuivis. Le col de la Marrane, entre Puyvalador et Escouloubre, marqué de la croix d’Aragon et de la fleur de lys, a dû être un des chemins de l’exil pour des personnes suspectées d’être mal converties et de judaïser en secret après 1493. D’autres juifs prendront le chemin en sens inverse entre 1942 et 1944. Vous marcherez dans les pas des uns et des autres en quête de vie, d’espace et de liberté. Nous reviendrons sur tout cela tout au long du parcours.
Le chemin est long pour arriver à la Fontaine de Salses, propriété du Temple de l’époque du traité de Corbeil, ou au Grau Saint Ange. C’est un chemin à travers l’histoire, les histoires, la préhistoire et le présent entremêlés. Il est aussi le chemin de la beauté des cimes et leurs névés, des nuages qui passent, lenticulaires ou rougeoyants, de l’odeur de la garrigue et de la forêt. C’est celui de l’écureuil furtif, du chant des sources, de la gentiane, du parfum de la lavande, du thym et du romarin. La présence des hommes a laissé des traces dans ces paysages depuis les âges du bronze et du fer, depuis le néolithique, et bien avant quand près de Tautavel vivaient encore lions et éléphants. Les vestiges ne manqueront pas. Pour l’heure, avec votre sac sur le dos, vous êtes plus près des truites de l’Ariège, des marmottes de la vallée du Galbe, des isards du Carlit, de quelque ours, qui sait. Vous êtes encore près d’un refuge voulu en 1003 par Bertrand d’Enveitg qui avait failli mourir de froid ici. Ce refuge sera confié plus tard aux hospitaliers sous la protection de Sainte Suzanne. Cette dernière a toujours son oratoire près du pont à l’Hospitalet, village hospitalier s’il en est que pourtant vous vous apprêtez à quitter.
Vous allez rejoindre les anciennes possessions du comte de Cerdagne, de l’autre côté du col du Puymorens. Passez les anciennes mines, les pistes de ski pour découvrir chemin faisant de magnifiques paysages où vous invitent tous les sentiers. Bientôt vous arriverez à la Tour Cerdane, du moins ce qu’il en reste pour témoigner de pages d’un présent et d’un passé qui ne demandent qu’à s’ouvrir à votre curiosité. Notre carte et notre gps vous aideront. Aurez-vous la chance d’apercevoir comme nous une biche, un cerf ou un mouflon ?