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L’onomastique est capable de donner des interprétations diverses, parfois vraies, parfois farfelues aux noms de lieux. Tal te vull, dans un catalan d’aujourd’hui répond aux imaginaires actuels, Tel je te veux et à une affirmation de puissance réelle ou supposée. Les prédécesseurs, comme les poursuivants de Munuza, dans un arabe damasquiné, ou leurs ancêtres orientaux dans un dialecte cananéen exporté en même temps que l’alphabet dont les ibères se sont emparé auraient-ils accroché sur ce sommet le nom de « Tal taouil  / تل طويل » , ce tell si haut qu’il s’impose quand on débarque pour faire commerce avec les Sordes de Ruscino ou que nouvellement arrivé, on veut dominer et contrôler la contrée ? Ce qui est plus sûr, c’est que la Caune de l’Arago indique bien que nous sommes sur la frontière de l’Aragon. Nous vous la ferons franchir en un point remarquable.

Quittez Tautavel et ses vins des délices avec une bonne réserve d’eau. Prenez le gué qui franchit le Verdouble. Vous allez remonter sa vallée entre deux barres rocheuses. A l’Ouest, de l’autre côté de la barre rocheuse, l’ancienne frontière de l’Aragon. A l’Est, derrière la barre rocheuse, l’ancienne frontière du Roussillon de la famille d’Empuries et sa vieille borne léguée par les romains, Charlemagne ou un de ses successeurs, certifiée par un S pour le Prieur d’Espira.

Vous arriverez aux gorges de Gouleyrous. Vous franchirez le Verdouble par un gué accessible aux voitures. Vous apercevrez un vieux moulin au bord d’un superbe plan d’eau ou s’abreuvaient rhinocéros, lions et éléphants. Ce n’était pas hier. Belles marmites de géants en remontant le courant. Mais baignade interdite aujourd’hui . Vous distinguerez à la limite de la crête la grotte du vieil homme. Vous pourrez vous en approcher et qui sait bénéficier d’une visite guidée. Mais la frontière n’est pas tout à fait là, même si elle n’est pas loin. Elle est de l’autre côté des gorges du Gouleyrous, près du rocher de Saint Bernard. Puisqu’on ne peut pas nager pour protéger l’eau et sa potabilité, nous allons les contourner.

Direction Vingrau, qui justement pompe et boit de cette eau, par les vignobles de coteaux. Vingrau ne manque pas de belles falaises. Des accros de la roche viennent de partout pour le plaisir de les gravir avec casques, cordes, mousquetons et baudriers. Un moulin au sud du village vous saluera de loin. Le temps lui a fait perdre ses ailes et la modernité son meunier. Longtemps sur la doline, on a récolté l’olive et le blé. Le raisin y est toujours d’actualité. Les belles vignes esthétisent l’espace et contribuent mieux qu’un chemin DFCI à la défense contre les incendies. Si vous passez par une cave, attention. Les courbes, nous vous mettons en garde une fois encore, risquent de se multiplier ou le sac trop peser. Il est bon. Vous reviendrez.

Notre chemin vous invite à passer par le Bac del Traouc. La montée est bien pentue, un sanglier pas pressé en maraude de quelque truffe peut facilement vous dépasser (cela nous est arrivé). Il y a une zone où se préparent les récoltes de chênes truffiers. Botanistes, vous les découvrirez. Mais la pente ne dure pas. A la côte 269, prenez le sentier qui se dirige vers le Nord, vers le Camp de la Bartre. Là dirigez-vous vers l’Ouest, objectif Coll Mitja de vos cartes. Vous êtes en train de passer dans le département de l’Aude, en franchissant une ancienne frontière de Charles Quint. A cette époque, le commerce transfrontalier des chevaux et des armes était interdit pour ne pas donner avantage à un potentiel ennemi français ou huguenot, de l’autre côté. Le nom du ravin que vous traversez, le Correc de l’Escassier garde-t-il la mémoire de tous ces trafiquants et contrebandiers, vendeurs de baudets et éguassiers qui sont passés par là pour contourner des postes mieux gardés ? Faisons confiance à l’onomastique et à l’université d’hiver et d’été pour nous éclairer.

En passant près de la Bergerie de Vidal, vous aurez un bon chemin qui vous conduira à Tuchan. Vous passerez en vous aidant de la carte ou de notre GPS, par de beaux vignobles qui produisent depuis longtemps d’excellents muscats et grenaches sous des appellations partagées avec Rivesaltes et ses environs. Aujourd’hui elles sont concurrencées par des mix. Certains gardent la mémoire des grèves et les luttes des vignerons du Midi en 1907, menées par Marcelin Albert, mis en avant par des dizaines de comités, et des manifestations pouvant rassembler à Montpellier, Narbonne, Béziers ou Perpignan, par centaines de milliers des protestataires au même moment, pour que ne soient pas commercialisées des mixtures sucrées, mouillées, fermentées, artificiellement aromatisées.

Vous êtes arrivés à Tuchan.  Son clocher est de style catalan. Sur son marché se vendaient autrefois les ânes venus du sud, pour des gens venus du nord et des porcs venus du nord pour des gens, honnêtes marchands ou contrebandiers, qui allaient repartir plein sud, par le Coll Mitja ou le Traouc del Caball. Visitez son centre historique et si vous décidez d’y prolonger votre séjour. Les environs. Peyrepertuse, Padern, Aguilar, Nouvelle, Quéribus sont autant de tentations. Et, Madone enceinte ou pas, le Curé de Cucugnan pourrait avoir, à l’ombre du moulin, près des vieilles pierres du château et des sacs de farines bio quelques secrets à vous faire partager.

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Bernard d’Alion

Bernard d’Alion, marié en 1236 à Esclarmonde de Foix morte parfaite cathare, rattrapé par l’inquisition, condamné pour relapse le 3 septembre 1258, est mort brûlé sur un bûcher le lendemain 4 septembre, place de la Canorga à Perpignan.   (Il me semble avoir lu que ce fut même devant l’évêque d’Elne, … quelle fête !)

(Place de la Canorga : place actuelle de la Révolution Française.)

précisions Michel Grosselle