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Le Barcarès – Salses le Château

Vous pourriez ne voir dans cette ultime étape qu’une zone de loisirs.Vous découvrirez  le travail millénaire des eaux du ciel et des abîmes, douces et salées, des torrents et des courants marins, du vent et de l’histoire, du génie et de la folie des hommes. C’est une zone riche de la flore et de la faune des zones humides de Méditerranée que vous traverserez. Vous pourrez observer l’oiseau rare comme l’aigle de Bonelli, d’autres comme les flamants roses, les cigognes, qui reviennent passer un jour, une ou deux saisons, l’été.Vous longerez des salines oubliées des moines de Cuxà, du Duc d’Hijar. Vous passerez à côté d’un aéroport militaire, d’une ancienne base de l’entreprise Latécoère. Son quai pour hydravions a vu passer Saint Exupéry et le courrier de l’aéropostale.  Vous franchirez par un petit pont le dernier tronçon du Canal du Midi.  Passé le chantier de réparations des passionnés de la voile latine, une tortue exceptionnelle se cache. Si vous avez foi en l’Université, un port protohistorique vous attend non loin d’une cabane de roseaux classée monument historique, comme de l’église romane de Garrius. Moment gastronomique à ne pas manquer : la Bullinada d’anguilles, spécialité de l’étang que les crabes bleus essaient de voler. Tous les châteaux vous enchanteront, ceux de sable de la plage des enfants pleins d’illusions, celui des romains rasé, celui des templiers qui ont détourné l’Agly, celui des rois d’Aragon et des Rois Catholiques. Vous aurez une pensée pour Claude Simon, Prix Nobel de littérature en 1985. Passé la forteresse espagnole, vous arriverez à la porte des pays catalans. Encore quelques centaines de mètres et ce sera la Fontaine de Salses, point extrême des royaumes de France et d’Aragon en 1258. Entre ciel et terre, près d’anciens moulins, de l’autoroute, de la route, des sentiers, de la voie ferrée, la Via Domitia, la ligne à haute tension, le gaz, le téléphone, la fibre, le passage lent des barques catalanes et les planches à voile qui  filent comme le vent, fermez les yeux. Ici, face à un gouffre insondé, mystère de la nature, vous êtes au miroir des rêves du présent et du passé. Vous reviendrez les décrocher.

La carte et le dénivelé

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Niveau : Facile

 

Distance : 14,8km

Durée : 6 heures 30

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Fiche détaillée

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Le parcours en vidéo

La Font Estremar ou Estramar

La forteresse actuelle, est une réalisation du XVème siècle de l’architecte Francisco Ramiro Lopez. Elle a pris la place de lieux fortifiés déjà par les romains, puis par les rois d’Aragon. Elle a été légèrement remodelée par Vauban.

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Description détaillée de l'étape

Cette dernière étape se situe en bordure de l’étang de Salses et de Leucate. Autrefois lac des Sordes, il servait de trait d’union pour les pêcheurs de toutes ses rives. Longtemps, il a été très poissonneux et de nombreuses générations ont pu en tirer toutes leurs ressources. Aujourd’hui encore, quelques uns peuvent vous préparer une excellente « bouillinade d’anguilles ». Les dernières baraques des pêcheurs sont préservées mais plus aucun n’y vit vraiment. Leurs barques traditionnelles aussi sont restaurées quand elles n’ont pas été brûlées pour une prime de fin d’activité. Celles présentes sont plutôt tournées vers la pisciculture, la conchyliculture et surtout le tourisme.
Cet étang a été aussi à des périodes de ruptures, de crise, un lieu de contestation et de confrontations. Une nouvelle croisade menée par Philippe le Hardi a anéanti Salses. Les places de Leucate et de Fitou ont pu être prises par des armées venues du sud ou d’ailleurs, comme par des routiers, ou résister. Un roi de Majorque a voulu repousser les limites du traité de Corbeil revendiquant l’étang tout entier et les châteaux de Leucate et Fitou. La médiation de l’Archevêque de Narbonne suite aux enquêtes diligentées a redéfini la frontière autour de 1320, ce qui explique les quatre bornes maçonnées sans doute, comme celle d,Ille et de Bélesta, à la veille du traité des Pyrénées, un peu au nord de Port Fitou. Mais les châteaux et les villages sont restés au Royaume de France.
Faune et flore que vous découvrirez sont celles des lieux humides et lagunaires de la Méditerranée : les flamants roses, les hérons, les aigrettes. Les canards y vivent en toutes saisons. Parfois on y voit des cigognes. Les loups, les mulets, les dorades les anguilles comme les crabes se plaisent dans leurs eaux. Une curieuse tortue s’y maintient dans une ancienne embouchure, l’émyde lépreuse. Présente en Afrique du Nord, elle trouve là son habitat le plus septentrional. De nombreux canaux de drainage autorisent des mises en culture de secteurs et sont une protection contre les inondations des villages voisins. Les travaux des templiers ont dévié l’Agly vers la mer, sauf en période de pluies exceptionnelles et de débordements. Alors le fleuve retrouve son exutoire et mélangeant ses eaux à celles de l’étang, il rejoint la mer par le grau Saint Ange.

Partis de ce grau, ancienne frontière du traité de 1258, vos pas assurés vous feront traverser un grand canal qui évacue les eaux de pluie de Saint Laurent vers l’étang à la pointe de Maratxella, puis de là vers la mer. Vous longerez l’aérodrome militaire et la zone d’écopage des Canadairs sans mettre le pied dans la zone interdite par des panneaux. Vous marcherez près de l’ancienne base Latécoère de l’aéropostale et sur son ponton de béton. Saint Exupéry est passé par là avec son Petit Prince logé encore dans les étoiles, quand lui l’était au Barcarès. Quelques photos dans un hôtel-restaurant témoignent de cette époque. La langouste y chante encore. La baignade et la navigation en planche à voile sont possibles. Vous êtes sur un spot de planche et de kitesurf quand souffle la tramontane. Les barques catalanes sont en vue. Dernière partie peu connue du Canal du Midi, un tronçon va de l’étang à Saint Hippolyte (du lieu dit Cabana del Traïdor au village). Il aurait dû aboutir à Perpignan, mais Paul Riquet est décédé. L’argent de la gabelle et de nouveaux impôts a été orienté vers d’autres priorités.
Vous passerez par le hameau de Garrius (parfois écrit Garrieux) et son église romane restaurée. Non loin, au bord de l’étang se trouve une cabane classée pas facile à trouver, même si elle est au bord de l’eau. Le pêcheur d’anguilles pourra sûrement vous renseigner surtout si vous demandez à goûter sa spécialité. Interrogez- le. Il vous parlera d’un écosystème qu’il connaît bien , de la menace du crabe bleu, et si vous insistez, il vous dira un mot d’Arthur Conte. Mais vous devrez vous éloigner un peu de la trace que nous vous proposons. Si vous la suivez, vous passerez en bordure d’un port protohistorique qui a été fouillé par des chercheurs de l’Université Via Domitia de Perpignan. Vous arriverez à la forteresse de Salses, verrou de la frontière d’Aragon puis d’Espagne. Elle n’a pas subi le même sort que celle de Leucate plus moderne par manque de fonds pour payer tous les explosifs qui devaient l’anéantir. Vous passerez à côté de l’ancien fort romain puis aragonais investi à plusieurs reprises et finalement rasé. Ses fondations sont toujours visibles tout comme sa citerne. Ont-elles un air de parenté avec celles château de la Julia Libica perché sur sa colline? Vous jugerez…
Vous passerez sous le pont de l’autoroute, à côté de la Porte des Pays Catalans, un monument de fer récent. Les pêchers, les amandiers, à la faveur de quelques forages et du goutte à goutte remplacent peu à peu les vignes centenaires. Loin de sa « route des Flandres » où ses camarades sont tombés et ses souvenirs télescopés pour rentrer dans son nouveau roman, Claude Simon, viticulteur en a vécu ici avant que le prix Nobel ne vienne consacrer en 1985 son œuvre et ne lui donne un statut de monument de la littérature.
Vous arriverez à la Font Estremera, résurgence des eaux infiltrées de l’Agly, du Verdouble et de tous les calcaires qui absorbent les eaux de pluie des Corbières, les font disparaître, cinquante ans nous a-t-on dit, pour un jour ressurgir ici. Son réseau de galeries inondées est si extraordinaire qu’il attire des plongeurs du monde entier. Cependant, même pour des professionnels très expérimentés, Cousteau ou pas Cousteau, le site est toujours très dangereux. Pour vous la baignade est interdite.
Vous êtes arrivés au terme de ce chemin d’histoires, de partages et de rencontres. Puissions-nous le parcourir à nouveau, passer plus de temps dans ces villages, apercevoir au détour d’un sentier l’isard, la perdrix rouge, le lagopède ou le lièvre variable. Avec un peu d’eau fraîche, une grappe de muscat ou un verre de rosé quel serait votre plaisir de découvrir à côté d’une pierre écrite ou  dressée, d’autres merveilles, Julia Libica dans ses moments de gloire, son forum retrouvé, le souvenir d’Hercule dirigeant le troupeau de Geryon, Wamba arrivant à Sordonia, Louis IX pas encore saint et ce Jacques qui rêvait de s’illustrer dans un orient chrétien qui s’effondrait et qu’un monument près de Montpellier garde en mémoire sous le nom de Jaume Lo Conquistaire, Jacme comme lui écrivait.

Bien des fois nous ont fait signe les maures quand nous essayions de nous repérer sur nos cartes. Christine Rendu, rompant avec la tradition, trouve dans ce vocable l’évocation de la mère. Cacherait-il sur ce parcours l’archétype de toutes les déesses mères, la Marunya féconde entraperçue près de ce Saint Fructueux de Brangoly, les fées et des demoiselles d’autres lieux, les dolmens, lieux cultuels et culturels de cristallisation de la pensée magique? La toponymie nous inviterait à revisiter cet espace comme un espace matriciel, naturel comme surnaturel, des naissances et des renaissances espérées, celui des Madres, celui de toutes les mères sur lequel il vient s’appuyer? C’est sur cette ligne que les pays catalans se sont affirmés. Un majorquin, Raymond Lulle, s’est mis à écrire dans la langue du rustique pour lui donner le statut de celle des lettrés et ses premiers titres de noblesse, espérant entraîner le monde dans son illumination, dans sa conversion, dans un catalan naissant, en arabe comme en latin. Mais les rêves de Jacques et de Louis que dans ses livres il a portés, pour une reconquête de Terre Sainte comme de toutes les âmes se sont dissipés. Pour le Royaume de France longtemps cette ligne fut celle des Pyrénées incontestées jusqu’à ce que des Catalans fassent appel à Louis XIII et lui décernent le titre de Comte de Barcelone. En 1659 les Pyrénées se sont déplacées et Louis XIV a perdu ce titre tout en gagnant le Roussillon et l’Artois. Mais c’est surtout la poétique de la frontière repérée dans ses vignes, en marge de ses garrigues, par Marc Pala que nous avons retrouvée partout avec ce chemin parsemé de bornes, de croix d’Aragon, de croix du Temple, de menhirs miraculeusement conservés, de fleurs de lis, de touffes de thym et d’orchidées. C’est un chemin de printemps, bordé du blanc des cistes et du jaune des genêts. Il offre généreusement la fraîcheur de l’eau de ses sources, de ses montagnes à la douceur de la Méditerranée, le lait et le miel parfumé des sapins et des lavandes au paradis que Munuza, sacrifié, partage avec Lampégie, dans des rêves d’amour et éternité, au-dessus des triangles et des ronds de leur dernière demeure que leur donne la tradition. Il nous fait entendre les murmures de Julie mêlés aux échos lointains des secrets des bonshommes, des bonnes femmes qui n’ont pas parlé, qui n’ont jamais abjuré, sans la souffrance desquels ce chemin de beauté sublimée n’aurait pas existé.

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