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Cette étape finira de vous faire traverser cette ancienne île. Son nom sonne grec, Leucate / La blanche. Elle est reliée au continent au nord comme au sud par un large cordon littoral. Le courant ligure, la Tramontane, la Marinade, tout comme l’abrasion et l’arénisation du granit de nos montagnes, mais plus encore des Alpes, associés à fortes crues ont contribué à le réaliser, l’entretenir et à le consolider. Ce cordon aux dunes plus ou moins fixées a emprisonné un lac marin, espace lagunaire qui ici s’appelle communément étang. Des hommes ont profité de cet écosystème privilégié pour en tirer toutes les ressources possibles, pêche en mer à la bonne saison, pêche dans l’étang en toutes saisons, production de sel dans des marais salants aujourd’hui oubliés, interdits de production dans le nouveau territoire annexé du Roussillon après 1659 mais qui ont fait florès au nord de La Franqui. Cette décision qui a contribué à remplir les caisses de Paul Riquet, fermier général, a prolongé l’insécurité dans la région, maintenu un état de guerre (« La guerre du sel » si vous voulez lire Jean Tocabens) et donné un sursis d’activité aux Nyerros et autres contrebandiers sur des chemins par lesquels vous avez pu passer. La culture du blé et autres céréales a été maintenue et développée. L’olivier a résisté longtemps. Les amandiers, les oliviers, la vigne ont été des cultures privilégiées sur Leucate. En témoignent la production toujours actuelle de vin, mais aussi la présence des moulins. Le plateau a été parcouru par des troupeaux de moutons. Des canons de toutes sortes y sont parfois devenus menaçants. Dernièrement ils étaient dans des Blockaus.

Mais Leucate après le traité de Corbeil a été aussi un lieu de présence militaire renforcée, face à Salses. Son fort, au fil des sièges et des réaménagements avait trouvé avec le plan en étoile la parade aux armements de son époque. Ce ne sont pas les armées espagnoles ou des ligueurs qui en ont eu raison. C’est une décision politique française qui l’a fait sauter. Oubliée Françoise de Céselly et sa défense héroïque. Les forces disponibles devaient se déployer ailleurs sur une autre frontière plus au sud où le nom de Pyrénées a été déplacé. Cette magnifique forteresse délaissée ne devait pas servir de tête de pont ou de cheval de Troie pour des ennemis intérieurs ou extérieurs. Le roi de France n’en a pas manqué! Les habitants de Leucate n’ont cependant pas oublié cette noble dame, maintenue gouverneure militaire par Henri IV devenu roi. Même si le régime de Vichy a pu livrer sa statue pour qu’une armée d’occupation la transforme en canons ou munitions, elle n’a pas rendu les clefs de la ville puisque sa main de bronze qui les serrait est restée à Leucate.

Le tour du plateau de Leucate vous ferait découvrir une ancienne redoute, un sémaphore, un très beau phare, des blockhaus… Mais direction le Barcarès, vous auriez besoin d’une journée supplémentaire.

En route au bord de l’étang, vous laisserez, pour une exploration avec un groupe spéléo, la visite très technique des boyaux noyés de la grotte des fées. L’espace est clôturé, interdit d’accès pour le promeneur. Des découvertes archéologiques ont permis d’affirmer qu’avant l’époque romaine, ce lieu était déjà un lieu d’invocation des déesses de la fécondité, de la maternité, comme tant de sources jaillissant d’un monde souterrain et mystérieux pour apporter guérison, vie et fertilité. Des statues votives retrouvées dans la profondeur de ses eaux sont visibles aux musées de Sigean et Narbonne. Le site a été classé par les monuments historiques en 1924.

Vous passerez près des parcs conchylicoles, laisserez à votre gauche un espace naturiste, vous résisterez aux appels des sirènes d’Ulysse, traverserez une surprenante forêt de pins et franchirez le grand pont qui domine le grau. Il a été creusé profondément pour créer le port de Leucate. Il voit passer flux et reflux, même si ici les marées ne sont pas importantes. Ce passage a déstabilisé un temps l’écosystème de l’étang en augmentant la salinité et les prises, si nous en croyons les pêcheurs, ont été plus rares à Font Dame et autour du ruisseau de la font d’Estramar Les coquillages, couteaux, clovisses, coques, ont été moins nombreux, Les pêcheurs se sont reconvertis: on y vend beaucoup plus d’huîtres et les camions frigorifiques chargés de loups et de daurades partent même à l’étranger.

Franchi le pont, vous serez vite dans les Pyrénées Orientales sur des terres récupérées un temps par le Roi de Majorque après un arbitrage rendu à Narbonne vers 1320, avons-nous lu quelque part. Antérieurement elles appartenaient au Roi de France conformément au traité de Corbeil de1258 qui fixait la limite entre le Grau Saint Ange et la Font d’Estremar, aussi Fontaine de Salses appelée parfois gouffre. Aujourd’hui toutes ces terres (en fait surtout du sable) au nord comme au sud, sont occupées par les touristes, leurs maisons, les parcs de loisirs, les casinos, les boîtes de nuit. Il y a même un bateau échoué où l’on peut faire la fête, le Lydia, au nom qui lui aussi sonne grec. Des barques traditionnelles catalanes sont restaurées à la sortie du pont grâce aux passionnés de la voile latine.

Vous ne manquerez pas de passer devant le monument qui honore la mémoire des volontaires étrangers, partis pour la plupart des camps des réfugiés espagnols de 1939 pour rejoindre les fronts côté français et se battre contre le nazisme et le fascisme qui avaient précipité la chute de leur république.

Enfin vous arriverez au port Saint Ange, l’ancien grau du même nom. Le fort Saint Ange gardait la frontière d’Aragon. Il a disparu, emporté par la mer, le vent et le sable. Il contrôlait entrée et sortie pour neutraliser un éventuel ennemi ou un probable contrebandier. Des batteries y ont été installées par la suite par les rois de France, ses empereurs et ses républiques. La carte d’état-major de 1820 / 1866 en garde la mémoire.

Cet endroit a été l’exutoire des eaux de l’Agly avant que les templiers ne canalisent son embouchure. Il l’est toujours pour les résurgences de Font Dame et d’Estremar. Des baraques de pêcheurs y ont été aménagées par la municipalité du Barcarès. Elles marquent le terme de cette étape. Profitez du bon poisson que vous proposent tout près les pêcheurs. Si le cœur vous en dit et s’il fait beau, la plage est à vous pour un bon bain.

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Bernard d’Alion

Bernard d’Alion, marié en 1236 à Esclarmonde de Foix morte parfaite cathare, rattrapé par l’inquisition, condamné pour relapse le 3 septembre 1258, est mort brûlé sur un bûcher le lendemain 4 septembre, place de la Canorga à Perpignan.   (Il me semble avoir lu que ce fut même devant l’évêque d’Elne, … quelle fête !)

(Place de la Canorga : place actuelle de la Révolution Française.)

précisions Michel Grosselle