Tuchan est une petite ville d’échanges et de rencontres bien attachante. Elle affiche avec le nom de ses rues sa double fidélité héritée de l’histoire et du cœur, bien avant que la Région Occitanie ne reprenne à son compte l’esprit de son blason. Fidélité à la mémoire des vieux comtes de Cerdagne et de Besalu, fidélité au Languedoc du Roi de France après la reddition d’Olivier de Termes, faydit, exilé en Vallespir, revenu rebelle, bientôt soumis et rallié à Louis IX. Ce seigneur est mort à Saint Jean d’Acre. 1321 a vu brûler à quelques kilomètres de là, à Villerouge – Termenès, le dernier cathare connu. Parfait à certaines de ses heures, moins en d’autres, Guilhem Belibaste a été capturé à Castelbon, propriété du Comte de Foix près de la Seu d’Urgell, aujourd’hui en Espagne. Nous en avions parlé au départ de ce périple pyrénéen. Tout près de Tuchan existe un vieux château ruiné de Nouvelle. Ses tas de pierres amoncelées ne disent pas qu’un seigneur du lieu a accompagné l’infant de Majorque, Ferdinand dans une partie de ses chevauchées lointaines. Mais le plus beau château des environs est celui d’Aguilar. Vous allez y passer.
Prenez la route de Narbonne, puis celle de Vingrau. Attention à la circulation. A 900 m à gauche vous suivrez le GRP tour des Fenouillèdes. Vous arriverez au château d’Aguilar. Propriété de la famille de Termes compromise avec la foi et la protection des parfaits. Les croisés de Simon de Montfort l’ont pris. Elle passera définitivement au Roi de France en 1262, quand Olivier de Termes, soumis, absous pour services rendus en Terre Sainte le lui vendra. Ce château de frontière en1258 sera pris par des routiers en mal d’argent en 1387. De ce repaire, ils rançonnaient les marchands catalans et certainement tous ceux qui avaient quelque chose dans leur poche. L’histoire ne nous dit pas si c’étaient des plus ou moins fidèles de Du Guesclin et d’un Trastamare parti de Peyrepertuse, peu d’années auparavant, engagés tous deux pour la récupération d’une couronne de Castille, dans un jeu d’alliances et de soutiens compliqués d’une guerre de cent ans qui ne portait pas encore son nom.
Ce château réarmé, consolidé, réaménagé sera pris par les forces de Charles Quint. Il sera délaissé après le traité des Pyrénées qui portera la défense des frontières sur d’autres lignes budgétaires.
Votre sentier continue par la Bergerie de Fajol. Vous quitterez le GRP Tour des Fenouillèdes pour arriver à la Bergerie Chagrin. Juste avant, vous prendrez à droite un chemin qui se transformera en sentier. Il vous fera passer légèrement au sud du lieu-dit Barran de la Maureille. A la Cote 309 vous prendrez à droite et vous arriverez au Mas Llenço de votre carte. Vous franchirez la barre rocheuse avec ses belles falaises abruptes au Traouc del Caball, lieu sans doute de passages nocturnes de chevaux et de mulets de nyerros et de contrebandiers d’une autre époque sur des terres arides tout juste capables de nourrir des chèvres et des moutons à la bonne saison. Observez le Mont Genièvre, puech ou puig. Une borne en pierres sèches marque son sommet. Une ligne de partage faite de cairns la traverse de part en part. Michel Martzluff a pu nous confirmer que c’étaient là des bornes de la frontière franco-espagnole, déplacée en 1659. Certains esprits forts ou fragiles ont pu se persuader suite à l’épisode Bugarach du 12-12-2012 lié à une prophétie hiéroglyphique lue et déchiffrée sur une stèle maya du musée de Cancun au Mexique, qu’ils allaient trouver là-dessous un trésor. Ils n’y ont trouvé que du vent et la sueur de leurs efforts. Mais les pierres de certains de ces cairns ont été irrémédiablement dispersées.
Passé le col, prenez le sentier qui descend vers le sud-est. Vous arriverez au Cortal del Remoli, ainsi nommé à cause des bourrasques tourbillonnantes de Jan de França, nom local de la Tramontane. Comme à Força Réal, elle souffle fort ici. Vous passerez près du Cortal d’en Drilles et serez à quelques pas de la Vall d’Oriola, poétiquement renommée la Belle Oriole pas ses nouveaux propriétaires. Auprès de sa chapelle, gîte et couvert sont possibles. S’il y en a en stock, vous pourrez acheter de la spiruline, production nouvelle en ces terres de garrigues, récoltée dans des eaux de piscines réchauffées par effet de serre et disputées au calcaire des lieux. A quelques centaines de mètres observez, même de loin, un cade, genévrier millénaire remarquable.
Vous reprendrez le chemin si votre objectif est d’arriver au terme de l’étape. Vous passerez par le Cortal d’en Boneu. Des chèvres vous surprendront. Méfiez-vous du bouc. Vous contournerez le château d’Opoul, Salveterre. C’est une forteresse royale des Rois d’Aragon sise sur un oppidum qui a vu passer toutes les grandes et petites invasions. De nombreux privilèges étaient accordés aux habitants qui la défendaient tant qu’elle a été debout. Hannibal n’est pas passé loin. Wamba a pris la place dans sa poursuite du duc Paul sécessionniste félon. Visitez la forteresse. Devant un ennemi supérieur en nombre et pressé, elle a pu servir de point de repli. Comme celle de Tautavel, comme Força Réal, elle a été minée, bouleversée pour qu’aucun refuge ne puisse y être trouvé. Mais vous aurez un beau point de vue sur les terres qu’elle dominait, sur la mer, sur les étangs, sur les Albères et une chaîne des Pyrénées déplacée plus au sud, sur des cartes politiquement remodelées qui ont pu faire dire à certains, il n’y a plus de Pyrénées.
Les saints du paradis aidant dans la descente si vous ne soutenez pas un train d’enfer, vous arriverez au village actuel d’Opoul. Vous y boirez une eau locale. Hommage a été rendu à son Grand Sourcier par l’attribution de son nom à la rue qui mène au forage salvateur : Rue Henry Salvayre – Hydrogéologue.
Bernard d’Alion, marié en 1236 à Esclarmonde de Foix morte parfaite cathare, rattrapé par l’inquisition, condamné pour relapse le 3 septembre 1258, est mort brûlé sur un bûcher le lendemain 4 septembre, place de la Canorga à Perpignan. (Il me semble avoir lu que ce fut même devant l’évêque d’Elne, … quelle fête !)
(Place de la Canorga : place actuelle de la Révolution Française.)
précisions Michel Grosselle